CHEIKHANTA DIOP AU COLLOQUE DU CAIRE. Démonstration de la concordance de la conjugaison du verbe "kef" entre l’égyptien et le wolof. 2- La deuxième thèsevise à démontrer l’origine négro-africaine de la civilisation égyptienne et est soutenue par les professeurs Diop et Obenga :
Presque tous les champs du savoir humain ont éveillé la curiosité de Cheikh Anta Diop. Il s’est employé chaque fois à les explorer en profondeur, avec une rare audace mais aussi avec une implacable rigueur. La création littéraire négro-africaine ne l’a donc pas laissé indifférent. De fait, il l’a toujours jugée si essentielle qu’une réflexion soutenue sur le sujet, que l’on pourrait aisément systématiser, traverse son œuvre, l’innervant en quelque sorte. Cet intérêt est nettement perceptible dès Nations nègres et culture où il reste toutefois plus soucieux de raviver les liens entre les langues africaines et de démontrer leur aptitude à dire en totalité la science et la technique. Mais déjà en 1948, dans Quand pourra-t-on parler d’une Renaissance africaine ? il invitait les écrivains à faire des langues du continent le miroir de nos fantasmes, de notre imaginaire et de nos ambitions. Il y revient dans Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines et, quasi avec les mêmes mots, dans Civilisation ou barbarie. Si Cheikh Anta Diop élabore ce qu’il appelle une Esquisse d’une théorie esthétique de l’image littéraire en poésie et dans le roman africain, c’est surtout pour stopper la fuite en avant d’auteurs persuadés, assez étrangement, que les mots chargés de traduire leur moi intime ne peuvent leur venir que du dehors. Esprit nuancé et fin, il ne formule pas ce point de vue avec irritation ou sur un ton brusque. Il se défend même, non sans élégance, de reprocher aux écrivains africains l’utilisation provisoire d’une langue étrangère, car note-t-il il n’existe actuellement, pour eux aucune autre expression adéquate de leur pensée ». Il souligne ensuite, avec une lucidité qui cache mal son amertume, ce qu’il nomme un problème dramatique de notre culture» ainsi résumé … nous sommes obligés d’employer une expression étrangère ou de nous taire.» L’idée de haïr une langue humaine, même celle du colonisateur, ne l’effleure jamais. Il ne fait ainsi aucune difficulté pour concéder que les philosophes, manieurs de concepts universels, peuvent espérer formuler leur réflexion dans une langue étrangère. Mais, insiste-t-il, il ne saurait en être de même pour les poètes et les romanciers en raison de leur rapport complexe au réel. Tout auteur de fiction sait en effet qu’il arrive toujours un moment où les mots, ses invisibles compagnons nocturnes, se dérobent à lui, un moment où il se sent comme perdu au pied d’une muraille de silence, un moment où l’écho de sa voix ne lui revient pas. Et plus l’écart entre sa culture de départ et sa langue d’arrivée est grand, plus cette muraille de silence s’avère difficile à escalader. Pour Cheikh Anta Diop, les écrivains africains se trouvent dans cette situation particulière qui les condamne à une certaine maladresse. Il est vrai que certaines fulgurances chez des poètes noirs talentueux – il cite nommément Senghor et Césaire – ont pu donner à tort l’impression qu’une langue d’emprunt peut gambader au-dessus des frontières et traduire notre génie. De l’avis de Diop, il s’agit là d’une illusion mortifère car au final la poésie négro-africaine d’expression française est de bien piètre qualité Une étude statistique révélerait, écrit-il, la pauvreté relative du vocabulaire constitutif des images poétiques [chez l’auteur négro-africain]. Une liste très courte d’épithètes, surtout moraux’ donnerait les termes les plus fréquents valeureux, fougueux, langoureux…» Et Diop d’enfoncer le clou Les termes pittoresques peignant les nuances de couleurs, de goût, de sensations olfactives et même visuelles sont formellement interdits à la poésie négro-africaine parce qu’ils appartiennent au stock du vocabulaire spécifique lié à des coordonnées géographiques». Autant d’observations qui font remonter à la surface ce que le poète haïtien Léon Laleau appellera, en une complainte devenue fameuse, cette souffrance ce désespoir à nul autre égal de dire avec des mots de France ce cœur qui m’est venu du Sénégal.» On est sidéré de constater que c’est un jeune homme d’à peine vingt cinq ans qui pose dans une perspective historique aussi large le vieux dilemme des écrivains africains… Il pointe d’emblée le double manque d’auteurs qui, sans écrire en bambara, en moré ou en wolof, n’écrivent pas non plus tout à fait en français. D’habiter cet entre-deux-langues crée un malaise en quelque sorte structurant ce déficit-là est aussi un défi que, du Nigerian Amos Tutuola à l’Ivoirien Ahmadou Kourouma en passant par le Sénégalais Malick Fall, chacun s’est efforcé de relever à sa manière. C’est ce mal-être linguistique que l’on trouve à l’origine de bien des révolutions formelles en littérature négro-africaine, de toutes ces tentatives de violer la langue française pour lui faire des petits bâtards » pour reprendre un mot célèbre de Massa Makan Diabaté. Il permet aussi de comprendre l’émoi suscité par les romans de Tutuola ou, naturellement, ce qu’on peut appeler le modèle Kourouma». Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines analyse sans les mentionner ces manœuvres de contournement ou, si l’on préfère, ce boitillement esthétique. Cheikh Anta Diop évoque après Sartre la nécessité pour le poète négro-africain de dégorger » les mots français de leur blancheur » avant de pouvoir en faire un usage efficace. Et le génie de Césaire, souligne Diop, c’est d’avoir su inventer une langue propre» et d’une vibrante authenticité, qui n’a rien à voir avec le français ou le créole. De cette remarque de l’auteur de Civilisation ou barbarie, on peut déduire, avec quelque malice j’en conviens, que Césaire est l’ancêtre lointain et bien plus délirant de Kourouma. Mais la dé-francisation du français » dont parle Sartre n’est aux yeux de Cheikh Anta Diop qu’un simple palliatif. Voici ce qu’il écrivait dans Quand pourra-t-on parler d’une Renaissance africaine ? Tout en reconnaissant le grand mérite des écrivains africains de langue étrangère, nous ne saurions nous empêcher de les classer dans la littérature de la langue qu’ils ont utilisée.» C’est ce que dira plus tard le Kenyan Ngugi Wa Thiong’o dans Decolonizing the mind, sur un ton plus rude, à propos de ses confrères de langue anglaise. Et à mon humble avis, cette remarque sur l’identité du texte est valable même pour les œuvres en rupture avec les normes de la langue d’emprunt Les soleils des Indépendances a beau faire exploser du dedans la prosodie française, il reste un roman français. En résumé, Cheikh Anta Diop avertit les écrivains de son époque vous allez tout droit vers l’impasse, le ver est dans le fruit que vous croquez à si belles dents. Il faut signaler au passage qu’il compte de nombreux amis parmi ceux qu’il critique ; on peut imaginer que certains d’entre eux sont allés le soutenir bruyamment contre une institution académique obtuse lors de sa soutenance à la Sorbonne ; sans doute aussi a-t-il discuté avec quelques-uns de leurs manuscrits. Cette proximité garantit la qualité humaine du dialogue et lui donne de la hauteur. C’est d’ailleurs un poète, et non des moindres, qui a été le premier à comprendre et à dire dans Discours sur le colonialisme, l’importance de Nations nègres et culture, l’ouvrage le plus audacieux qu’un Nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera, à n’en pas douter, dans le réveil de l’Afrique.» Mais cet homme est si singulier qu’il faut bien croire qu’il vient d’ailleurs. S’il mesure si bien l’importance de l’imaginaire chez les peuples spoliés de leur histoire, c’est en référence à une poésie bien éloignée de celle de ses camarades du Quartier latin il a en tête, quand il leur parle, les vers de Serigne Mbaye Diakhaté, Mame Mor Kayré et Serigne Moussa Kâ, qui lui sont familiers depuis sa tendre enfance. Cheikh Anta Diop a-t-il seulement été entendu de ses contemporains ? Je répondrai sans hésiter non. C’est que son propos était, littéralement hors de saison. Un petit flasback nous fera revivre cette époque de grande fébrilité idéologique. Alioune Diop, qui avait déjà fondé Présence africaine » en 1947, organise les Congrès de Paris et Rome en 56 et 59. Ce sont, pour les intellectuels et écrivains noirs progressistes, des années d’emportement lyrique l’écriture est un long cri et même de purs théoriciens comme Fanon s’expriment souvent en poètes. Tous se donnent pour mission de guider leurs peuples sur les chemins de la liberté et celle-ci leur semble toute proche. Il faut donc aller vite, il n’est pas question de finasser. Cette jeunesse impatiente veut tout, tout de suite, et se sent presque irritée par la complexité du monde. Tous savent bien, par exemple, que les langues coloniales sont un cadeau empoisonné mais ils ne peuvent se permettre de les rejeter avec mépris pour l’heure ce sont elles qui font tenir ensemble les combattants, lesquels y puisent pour ainsi dire leurs mots de passe. Nous sommes du reste, ne l’oublions pas, au temps du marxisme triomphant et on se fait vite suspecter de chauvinisme étroit ou de remise en cause du primat de la lutte des classes. C’est peut-être David Diop qui exprime le mieux cette pression de l’urgence politique lorsqu’il observe en mars 56 dans sa Contribution au débat sur les conditions d’une poésie nationale Certes, dans une Afrique libérée de la contrainte, il ne viendrait à l’esprit d’aucun écrivain d’exprimer autrement que par sa langue retrouvée ses sentiments et ceux de son peuple. Dans ce sens, la poésie africaine d’expression française coupée de ses racines populaires est historiquement condamnée». L’auteur de Coups de pilon est ainsi l’un des premiers à suggérer une littérature négro-africaine de transition, idée qui ne gênait en rien Cheikh Anta Diop. [Conférence de presse RND relais ex-Route de Ouakam.] Ces réflexions ne sont évidemment pas transposables telles quelles dans les colonies britanniques ou portugaises mais les similitudes restent assez fortes. Elles le sont à un point tel que Ngugi Wa Thiong’o arrivera à partir de 1964 aux mêmes conclusions que Cheikh Anta Diop sans l’avoir jamais lu et que la publication en 1966 par l’Ougandais Okot P’Bitek de Song of Lawino, est un événement autant par sa valeur poétique que par sa langue d’écriture, le luo. Toutefois, ce qui rend le plus inaudible Cheikh Anta Diop, c’est ce que j’appelle souvent le péché originel » de la littérature négro-africaine dès le départ, l’écrivain se veut un porte-voix. Il ne parle donc pas à son peuple, il parle pour son peuple. De ces bonnes intentions libératrices naît un tête-à -tête avec le colonisateur qui change tout. En dénonçant les crimes de la conquête, c’est à l’oppresseur qu’il veut faire honte et cela n’est possible que dans la langue de ce dernier. Voilà pourquoi tant d’écrivains africains engagés, voire franchement militants ont été si à l’aise avec la langue française. Pour certains d’entre eux, il s’agissait surtout de dire à l’Européen Vous avez tort de nous dépeindre comme des sauvages ». Cheikh Anta Diop, qui voit le piège se refermer sur les écrivains africains, aimerait les voir moins sur la défensive. Il ne suffit pas selon lui de réfuter la théorie de la table rase’. Il s’emploie dès lors à contester les pseudo-arguments visant à dénier aux langues africaines tout potentiel d’expression scientifique ou littéraire. Il traduit ainsi dans Nations nègres et culture, un résumé du Principe de la relativité d’Einstein, un extrait de la pièce Horace de Corneille et La Marseillaise. C’est aussi à l’intention de ces mêmes écrivains arguant de la multiplicité des langues africaines – pour mieux justifier l’usage du français ou de l’anglais – qu’il démontre leur essentielle homogénéité. Au fond, il leur dit ceci l’Afrique, mère de l’humanité, a fait de vous les maîtres du temps et lorsque les autres sont entrés dans l’Histoire, vous les avez accueillis à bras ouverts car vous, vous y étiez déjà , bien en place. Il veut surtout leur donner le courage d’oser rebrousser chemin, n’hésitant pas à leur offrir en exemple Ronsard, Du Bellay et tous les auteurs de La Pléiade qui avaient pris leurs responsabilités historiques en remettant en cause l’hégémonie du latin. Le plus ardent désir de Cheikh Anta Diop, c’était d’éviter à l’Afrique qui a inventé l’écriture, d’être le seul continent où langue et littérature se tournent si résolument le dos. Mais c’était un dialogue de sourds – une expression que lui-même utilise d’ailleurs à propos de son différend avec les égyptologues occidentaux. Il était dans l’Histoire et on lui opposait des arguments subalternes du genre il nous faut bien vendre nos ouvrages», nos peuples ne savent ni lire ni écrire»… Mais qui donc a jamais su lire et écrire une langue sans l’avoir apprise ? Sur ce point précis, Cheikh Anta Diop rappelle à maintes reprises à ses interlocuteurs le cas de l’Irlande qui a sauvé le gaélique de la mort en le remettant en force dans son système éducatif. Cependant, derrière toutes les arguties des intellectuels africains il repère, comme indiqué dans Civilisation ou barbarie, un processus d’acculturation ou d’aliénation» auquel il est impératif de mettre au plus vite un terme. Acculturation ? Aliénation ? Voici un passage de À rebrousse-gens, troisième volume des Mémoires de Birago Diop où celui-ci répond directement à Cheikh Anta Diop. Tous deux, jeunes étudiants en France venus passer de brèves vacances au pays, se retrouvent à Saint-Louis. Birago raconte à sa manière désinvolte et volontiers sarcastique J’avais appris dans la journée que Cheikh Anta Diop faisait une conférence sur l’enseignement des mathématiques en langue wolof.’ J’y ai été.» Par amitié pour l’orateur sans doute car le sujet ne le passionne pas vraiment. Il avoue même avoir essayé de coller ce jour-là son copain en lui demandant de traduire en wolof les mots angle » et ellipse ». Au terme de son récit, l’écrivain redit son admiration pour le fervent égyptologue qui a combattu tant de préjugés» avant de trancher tout net J’étais et je demeure inconvaincu.» Et Birago d’ajouter ceci, qui à l’époque ne valait pas seulement pour lui Peut-être suis-je toujours et trop acculturé. Irrémédiablement.» À mon avis, on aurait tort de prendre cette confession au pied de la lettre Birago Diop, d’un naturel sceptique et irrévérencieux, s’exprime ainsi par allergie à tout ce qui lui semble de l’idéologie mais ne rejetait en rien ses racines. Cheik Aliou Ndao le sait bien, qui lui lance dans un poème de Lolli intitulé Baay Bi- raago jaa-jëf» Dëkkuloo Cosaan di ko gal-gal’. Aujourd’hui, un demi-siècle après ce duel à distance entre deux de nos grands hommes, il est clair que les pires craintes de Cheikh Anta Diop se sont vérifiées. En vérité le visage actuel de la littérature négro-africaine d’expression française n’est pas aussi beau à voir qu’on cherche à nous le faire croire. J’en parle du dedans, avec l’expérience de celui qui a publié son premier roman il y a trente cinq ans. L’essentiel s’y joue aujourd’hui en France et on peut dire que le fleuve est retourné à sa source, sur les bords de la Seine où Cheikh Anta Diop l’a vue naître. Le phénomène s’est accentué après une période, trop courte hélas, où de grandes initiatives éditoriales au Sénégal, au Cameroun et en Côte d’Ivoire, par exemple, ont fait émerger des institutions littéraires crédibles et des auteurs respectés. Mais à la faveur du marasme économique, l’Hexagone a vite repris sa position centrale. C’est au dehors que nos œuvres sont publiées, validées de mille et une manières avant de nous revenir, sanctifiées en quelque sorte par des regards étrangers. Nos livres étant rendus difficilement accessibles par leur prix et par leur langue, nous sommes de ces auteurs dont le public a entendu parler mais qu’il n’a guère lus nous sommes des écrivains par ouï-dire. Si j’osais pousser la taquinerie plus avant, je dirais que chez nous bien des réputations littéraires reposent sur ce malentendu fondamental. Un des signes du désastre, c’est que dans certains pays africains aucun texte de fiction n’est publié dans des conditions normales. Un ou deux noms constituent à eux seuls tout le paysage littéraire et, pour le reste, quelques histrions outrancièrement médiatisés en Occident font oublier ce vide sidéral sur le continent lui-même. En somme, le tête-à -tête originel se perpétue mais l’écrivain africain a revu sa colère à la baisse seul fait recette l’afro-pessimisme qui dort, comme chacun sait, dans le même lit que le racisme le plus abject. Le profil type de cet auteur est facile à esquisser il ne lui suffit pas de cracher tout le temps sur l’Afrique, il prétend aussi qu’étant né après les indépendances il n’a rien à dire sur la colonisation et encore moins sur la Traite négrière, qu’il aimerait bien que nous arrêtions de jouer aux victimes et d’exiger des autres une absurde repentance. Bref, cette littérature qui se voulait négro-africaine à l’origine, est bien contente de n’être aujourd’hui que négro-parisienne. Si j’ai peint un tableau aussi sombre, c’est qu’il me semble crucial que nous nous gardions de tout optimisme de façade. Je veux dire par là que oui, trente ans après la mort de Cheikh Anta Diop, l’on n’est considéré comme un véritable écrivain en Afrique qu’à partir de l’anglais, du portugais ou du français. On entend encore souvent des auteurs de la génération de Diop et d’autres beaucoup plus jeunes dire avec sincérité leur préférence pour ces langues européennes. La situation complexe de certains de nos pays est selon eux une des preuves de l’impossibilité, voire du danger, de promouvoir le senoufo, le yoruba et le beti par exemple ou de s’en servir comme instrument de création littéraire. Il est certain que la fragmentation linguistique est décourageante, même si Cheikh Anta Diop prend toujours soin de la relativiser. Comment y faire face ? Certains ont suggéré de forcer la main au destin en gommant toutes nos différences. Mais toujours clairvoyant et ennemi de la facilité, ce grand panafricaniste n’hésite pas à écrire dans Nations nègres et culture que L’idée d’une langue africaine unique, parlée d’un bout à l’autre du continent, est inconcevable, autant que l’est aujourd’hui celle d’une langue européenne unique.» À quoi on peut ajouter qu’elle comporte le risque d’un terrible assèchement. J’ai entendu des intellectuels accuser Ayi Kwei Armah de préconiser, justement, cette langue africaine commune. Ce n’est pas du tout ainsi que j’ai compris le chapitre de Remembering the dismembred continent où le grand romancier ghanéen s’efforce de trouver une solution à ce qu’il appelle notre problème linguistique». Il propose simplement une démarche politique volontaire qui ferait du swahili ou – ce qui a sa préférence – d’une version adaptée de l’égyptien ancien, l’outil de communication internationale privilégié des Africains. Cela rejoint, en creux, le plaidoyer de Cheikh Anta Diop en faveur d’humanités africaines fondées sur l’égyptien ancien. Cela dit, dans des pays comme le Cameroun, le Gabon ou la Côte d’Ivoire aucune solution ne paraît envisageable pour l’heure. Est-ce une raison pour se résigner à un statu quo général ? Je ne le pense pas, car cela voudrait dire que chaque fois que nous ne pouvons pas faire face ensemble à une difficulté particulière, nous devons tous rester en position d’attente sur la ligne de départ. Je pense au contraire que là où les conditions sont réunies, il faut se mettre en mouvement en pariant sur l’effet de contagion d’éventuelles réussites singulières. Des frères venus du Mali, de Mauritanie et du Burkina Faso nous feront profiter ce matin des expériences dont ils sont du reste bien souvent des acteurs de premier plan. Pour ma part je vais essayer de montrer, par un bref état des lieux, la dette immense du Sénégal à l’égard de Cheikh Anta Diop. C’est lui-même qui raconte en 1979, dans sa Présentation’ de l’édition de poche de Nations nègres et culture la mésaventure de Césaire qui … après avoir lu, en une nuit, toute la première partie de l’ouvrage… fit le tour du Paris progressiste de l’époque en quête de spécialistes disposés à défendre avec lui, le nouveau livre, mais en vain ! Ce fut le vide autour de lui.» C’est que Césaire, on l’a vu, avait pris l’exacte mesure du texte qui a eu l’influence la plus profonde et la plus durable sur les Noirs du monde entier. Dans Nan sotle Senegaal’, un des poèmes de son recueil Taataan, Cheik Aliou Ndao dit clairement que Nations nègres et culture est à la source de sa vocation d’écrivain en langue wolof Téereem bu jëkk baa ma dugal ci mbindum wolof Te booba ba tey ñà kkul lu ma ci def.» L’auteur de Jigéen faayda et de Guy Njulli fait sans doute ici allusion au fameux Groupe de Grenoble’, né lui aussi, très concrètement, du maître-livre de Cheikh Anta Diop. Sa lecture a en effet décidé des étudiants sénégalais – Saliou Kandji, Massamba Sarré, Abdoulaye Wade, Assane Sylla, Assane Dia, Cheik Aliou Ndao, le benjamin, etc. – à se constituer en structure de réflexion sur les langues nationales, allant jusqu’à produire par la suite un alphabet dénommé Ijjib wolof. Et plus tard, les travaux de Sakhir Thiam – en qui Cheikh Anta Diop voit explicitement un de ses héritiers dans sa conférence-testament de Thiès en 1984 – de Yéro Sylla, Arame Faal ou Aboubacry Moussa Lam, ont été dans la continuité de ce combat. On peut en dire de même de la revue Kà ddu initiée par Sembène, Pathé Diagne et Samba Dione, qui en fut – on oublie souvent de le préciser – la cheville ouvrière. Ce sont là quelques-uns des pionniers qui ont rendu possibles les avancées actuelles. Il est frappant, et particulièrement émouvant, de constater que chez nous l’accélération de l’Histoire s’est produite peu de temps après la disparition du savant sénégalais, plus exactement à partir de la fin des années 80. Cheikh Anta Diop a semé puis il est parti. Cela signifie que de son vivant il n’a jamais entendu parler de maisons d’édition comme ARED, Papyrus-Afrique ou OSAD – pour ne citer que les plus connues ; en 1986, Cheik Aliou Ndao, déjà célébré pour L’exil d’Alboury, n’a encore publié aucun de ses quinze ouvrages en wolof dans tous les genres littéraires-poésie, théâtre, roman, nouvelle, essai et livres pour enfants. Il faudrait peut-être d’ailleurs ajouter à cette liste son livre d’entretien avec Góor gi Usmaan Géy dans lequel celui-ci revient, en termes inspirés, sur une rencontre fortuite à Pikine avec Cheikh Anta Diop chez un de leurs amis communs, le vieux Ongué Ndiaye ; Diop n’a pas eu le bonheur de tenir entre ses mains Aawo bi de Maam Younouss Dieng, Mbaggu Leñol de Seydou Nourou Ndiaye, Yari Jamono de Mamadou Diarra Diouf, Ja- neer de Cheikh Adramé Diakhaté, Séy xare la de Ndèye Daba Niane, Booy Pullo d’Abdoulaye Dia ou Jamfa de Djibril Moussa Lam, un texte que les connaisseurs disent être un chef-d’œuvre. Sans doute le CLAD faisait-il déjà un travail remarquable mais on peut bien dire que l’essentiel de la production scientifique d’Arame Fal et de Jean-Léopold Diouf a été publié après la disparition de Cheikh Anta Diop. S’il revenait en vie, Cheikh Anta Diop serait rassuré de voir que désormais dans notre pays le député incapable de s’exprimer dans la langue de Molière n’est plus la risée de ses pairs et que le parlement sénégalais dispose enfin d’un système de traduction simultanée interconnectant nos langues nationales. Mais ce qui lui mettrait vraiment du baume au cœur, ce serait de voir que des jeunes, souvent nés après sa mort, ont pris l’initiative de sillonner le pays pour faire signer une pétition demandant l’enseignement de la pensée de celui qui fut pendant si longtemps interdit d’enseignement… Et que l’un des initiateurs de cette pétition a, depuis Montréal et sur fonds propres, produit en octobre 2014 le premier film documentaire sur Serigne Mor Kayré et travaille en ce moment sur le second consacré à celui qu’il appelle l’immense Serigne Mbaye Diakhaté.» ; que l’université Gaston Berger de Saint-Louis a formé les premiers licenciés en pulaar et en wolof de notre histoire. Il ne lui échapperait certes pas que la volonté politique n’y est toujours pas, dans notre curieux pays, qui réussit le tour de force de rester si farouchement francophile alors qu’il a cessé depuis longtemps d’être… francophone ! L’Etat sénégalais a financé une grande partie de la production littéraire en langues nationales et il serait injuste de ne pas l’en créditer. Il n’en reste pas moins que, pour l’essentiel, ces résultats ont été obtenus grâce à des initiatives militantes, dans des conditions difficiles, souvent d’ailleurs au prix de gros sacrifices personnels de disciples de Cheikh Anta Diop. Renversant les termes de la question initiale, on peut se demander aujourd’hui que disent les écrivains sénégalais à Cheikh Anta Diop ? Il ne fait aucun doute que sans lui la littérature sénégalaise en langues nationales ne serait pas en train de prendre une telle envergure. En 1987 un numéro spécial de la revue Ethiopiques » intitulé Teraanga ñeel na Séex Anta Jóob, préfacé par Senghor, réunit des hommages de Théophile Obenga, Buuba Diop et Djibril Samb, entre autres ; de son côté, L’IFAN a publié grâce à Arame Faal une anthologie poétique en wolof entièrement sous le titre Sargal Séex Anta Jóob. Le recueil date de 1992 mais la plupart de ses 23 poèmes ont été écrits immédiatement après la mort du savant, sous le coup de l’émotion. Tous rendent certes hommage à l’intellectuel hors normes mais aussi, avec une frappante unanimité, à la personne, à ses exceptionnelles qualités humaines. Les auteurs de cette importante anthologie ne sont naturellement pas les seuls à savoir ce qu’ils lui doivent. Même ceux qui ne lui consacrent pas un poème comme Ceerno Saydu Sà ll – Caytu, sunu këru démb, tey ak ëllëg’ dans Suuxat – lui dédient tel ou tel de leurs ouvrages ou rappellent son influence. C’est le cas de Abi Ture, auteure en 2014 de Sooda, lu defu waxu et de Tamsir Anne, qui a publié en 2011 Téere woy yi, tra- duction en wolof de Goethe, Heinrich Heine, Bertold Brecht et d’autres classiques allemands. Cette allégeance intellectuelle à Cheikh Anta Diop si généralisée, vient aussi de très loin et pourrait même être analysée comme une pratique d’écriture spécifique. Je ne veux pas conclure cette conversation en donnant l’impression d’un optimisme béat il reste beaucoup à faire car les forces qui ont voulu réduire au silence Cheikh Anta Diop ne désarment jamais. Notre territoire mental est toujours aussi sévèrement quadrillé et, encore une fois, le désir de basculer sur la pente de notre destin [linguistique] » est loin d’être largement partagé. On n’en est pas moins impressionné par les immenses progrès réalisés en quelques décennies dans le domaine des littératures en langues nationales. Si pour paraphraser Ki-Zerbo nous refusons de nous coucher afin de rester vivants, le rêve de Cheikh Anta Diop ne tardera pas à devenir une réalité.
Legrand professeur Théophile Obenga dans son livre «Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx», nous dit ceci: «Aujourd'hui, la science physico-chimique donne entièrement raison à Cheikh Anta Diop. En effet, Jacques Labeyrie, qui à dirigé le centre des faibles radioactivités (CFR) du commissariat à l'énergie atomique (CEA) et du centre
Le livre Nation nègres et cultures », est le fruit de recherches phénoménales, menées par Cheikh Anta Diop, afin de restaurer l’histoire de l’Afrique noire longtemps occultée. À cette époque, le racisme scientifique, porté par d’éminentes figures, était enraciné dans la société occidentale, et avait attribué au blanc l’être cartésien par excellence, la paternité de toutes les civilisations, et défini le noir, comme un être primitif, émotif, incapable de la moindre logique. Les Égyptiens de l’antiquité étaient noirs C’est dans ce torrent de certitudes racistes, que Cheikh Anta Diop, jeune homme de 27 ans, va prendre l’idéologie dominante à contre-pied, en affirmant que les Égyptiens de l’antiquité, précurseurs de la civilisation et des sciences étaient des noirs. Il ne fait pas que l’affirmer, il le prouve. Cette thèse fit l’effet d’un séisme, et comme elle dérangeait, il fallait le faire taire. On ne peut cacher le soleil avec la main dit le proverbe africain. Même si l’université de la Sorbonne rejette sa thèse en 1951, Présence africaine éditera le livre en 1954. Nonobstant les preuves qui ne manquent pas dans son livre, des scientifiques pétris de préjugés essaieront par tous les moyens, de jeter le discrédit sur son travail. Jugées trop révolutionnaires, certains intellectuels africains avaient du mal à adhérer aux idées véhiculées dans le livre. Aimé Césaire fut l’un des rares à le soutenir. Dans discours sur le colonialisme », il qualifiera le livre de Cheikh Anta Diop de livre le plus audacieux qu’un nègre n’ait jamais écrit » Il a fallu attendre le colloque de l’Unesco en 1974, pour que la plus grande partie de ses thèses soient finalement reconnues dans sa façon d’écrire, sa culture et sa façon de penser, l’Egypte était africaine » telles furent les conclusions de ce sommet. Les preuves de la négritude de l’Egypte antique 1Statue en grès du pharaon Montouhotep II environ 2055-2004 avant JC, provenant de Deir elBahari, situé sur la rive gauche du Nil face à Louxor. Elle est exposée au Musée national égyptien au Caire. AFP – Luisa Ricciarini/Leemage Le combat fut de longue haleine, et pourtant, bien avant lui, la paternité de la civilisation Égyptienne avait été attribué à la race noire. Dans les témoignages de savants grecs comme Hérodote, Aristote, qui étaient des témoins oculaires, la peau noire et les cheveux crépus des Égyptiens étaient mentionnés. Aristote disait d’eux qu’ils étaient agan malane » pour décrire leur peau ce qui signifiait excessivement noir. Au 18e s, le comte de Volney, historien français, devant les évidences accablantes, tira les mêmes conclusions Les Coptes sont donc proprement les représentants des Egyptiens et il est un fait singulier qui rend cette acception encore plus probable. En considérant le visage de beaucoup d’individus de cette race, je lui ai trouvé un caractère particulier qui a fixé mon attention tous ont un ton de peau jaunâtre et fumeux, qui n’est ni grec, ni arabe ; tous ont le visage bouffi, l’œil gonflé, le nez écrasé, la lèvre grosse ; en un mot, une vraie figure de Mulâtre. J’étais tenté de l’attribuer au climat, lorsqu’ayant visité le Sphinx, son aspect me donna le mot de l’énigme. En voyant cette tête caractérisée de nègre dans tous ses traits, je me rappelais ce passage remarquable d’Hérodote, où il dit Pour moi, j’estime que les Colches sont une colonie des Egyptiens, parce que, comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus », c’est à dire que les anciens Egyptiens étaient de vrais nègres de l’espèce de tous les naturels de l’Afrique.» Une des autres preuves irréfutables du caractère nègre des anciens Égyptiens, étaient la couleur de leurs dieux. Osiris et Thot pour ne citer qu’eux étaient noirs. Les représentations foncées des pharaons et les coiffures qu’ils arboraient, étayent aussi la négritude de l’Égypte antique. voir les représentations de MENTOUHOTEP 1er et NÉFERTARI L’analogie va au-delà des traits physiques et capillaires. Des valeurs propres à l’Égypte antique, comme le totémisme sont encore présentes en Afrique noire. Une étude comparée linguistique, souligne des similitudes entre l’Égyptien et les langues africaines comme le Valaf et le Serereliste non exhaustive. Au vue de ces arguments, la conclusion est sans appel L’invention de l’écriture, des sciences nous la devons à des noirs. La culture grecque qui a inspiré la culture romaine, tire ses sources de l’Afrique nègre. Pythagore est resté en Egypte pendant 22 ans, de 558 à 536 av. J-C. Platon y est resté de 399 à 387 av. C’est par conséquent là -bas, aux pieds des prêtres Égyptiens, qu’ils ont puisé le savoir qui a fait leur gloire. L’Egypte pharaonique qui a été leur institutrice pendant si longtemps fait partie du patrimoine du Monde Noir. Elle est elle-même fille de l’Ethiopie. Et dans sa façon d’écrire, sa culture et sa façon de penser, l’Egypte était africaine ». Donner à l’homme noir la place qui lui revient dans l’histoire de l’humanité Le fait que ce pan de l’histoire de l’humanité, ait été balayé du revers de la main, était lié au besoin de justifier la colonisation. On invente alors le nègre barbare, à qui on apporte la culture. Cette propagande avait du mal à accepter, que la société africaine était structurée, et avancée, avant l’arrivée des colons. Que l’émancipation des femmes n’était pas un problème. La société africaine étant matriarcale, les femmes occupaient des postes de responsabilité, bien avant que ce fut le cas en Europe. Le but de Cheikh Anta Diop en restituant cette vérité, était de redonner au continent oublié ses lettres de noblesse. Il ne s’agissait pas d’éveiller des relents sous-jacents de complexe de supériorité, pouvant déboucher sur des formes nazisme. […] la civilisation dont il [le Nègre] se réclame eût pu être créée par n’importe quelle autre race humaine – pour autant que l’on puisse parler d’une race – qui eût été placée dans un berceau aussi favorable, aussi unique” [Cheikh Anta Diop, Nations nègres et Culture]. Loin d’être un raciste comme voulait le décrire ses détracteurs, Cheikh Anta Diop était un grand humaniste, qui a été reconnu comme tel. Son travail a consisté à combattre le racisme scientifique, et à prouver que l’intelligence n’est nullement liée à la couleur de peau. Il a remis en cause la conception de la race dominante, ce qu’on peut considérer comme un apport non négligeable à l’histoire de l’humanité. L’héritage de Cheikh Anta Diop Des années plus tard, comment contribuons-nous à la propagation de l’héritage colossal de Cheikh Anta Diop ? Il prônait une Afrique unie, rassemblée, après s’être forgée une identité forte qui servirait de fondation solide. Où en sommes-nous avec le panafricanisme ?Avec l’adaptation de nos langues aux réalités et aux sciences comme il en a fait l’expérience avec le Valaf dans le livre ? Avec la décolonisation des mentalités ? Force est de constater que ces sujets restent d’actualité. La tâche qui nous incombe aujourd’hui, est de contribuer TOUS à l’émergence de notre continent qui sera d’abord culturelle. Dans le domaine scolaire, nous devons implémenter des manuels adapter à nos réalités. Adaptons nos langues aux réalités modernes. Il ne s’agit pas de bannir les langues coloniales acquises, mais revaloriser les nôtres et les adapter aux sciences modernes. C’est les pieds solidement ancrés dans ses racines, libre de toute aliénation, détachée du joug du colonial, et de l’aliénation du colonisé, que l’Afrique connaîtra sa vraie valeur, et qu’elle pourra prendre sa place sur l’échiquier mondial. Cette refondation qui ne doit pas se faire dans une démarche belliqueuse, engendrera des africains fiers de leurs origines, qui prendront leur destinée en main. Une contribution de Gisèle Doh, fondatrice de l’Association les racines du baobab créatrice du blog
LAAWAN: Association de musique et de culture, la fusion des cultures urbaines aux rythmes africains. A travers ce portail web plusieurs (articles, sons et vidéos) y sont publiés régulièrement pour vulgariser la culture et l'histoire de l'Afrique. C'est aussi une association culturelle spécialisées dans le domaine de la musique et de la culture
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Cheikh Anta Diop naît le 29 décembre 1923 dans le village de Caytou, situé dans la région de Diourbel en pays Baol-Cayor, près de la ville de Bambey, à environ 150 km de Dakar, au Sénégal. Son père, le jeune, Massamba Sassoum Diop, décède peu de temps après sa naissance. Sa mère, Magatte Diop, vit jusqu’en 1984. Cheikh Anta Diop épouse en 1954 à Paris, une française, Louise Marie Maes, diplômée d’études supérieures en géographie. Quatre fils naîtront de cette union. Cheikh Anta Diop décède le 7 février 1986. Il repose à Caytou, auprès de son grand-père, le vieux, Massamba Sassoum Diop, fondateur du village. Plus de 30 ans après sa mort et près de 100 après sa naissance, les idées de Cheikh Anta Diop restent d’actualité. Ainsi, profitant du quatre-vingt quatorzième anniversaire de sa naissance, nous vous proposons ici les écrits Mariétou Diongue et de Cheick M’Backé Diop sur l’enfant de Caytou. Lisez ! Les travaux de Cheikh Anta Diop, dès 1954, avec les Nations nègres et Culture, puis avec l’unité de l’Afrique noire et l’Afrique noire précoloniale, en 1959-1960, inaugurent une nouvelle approche de l’histoire de l’humanité et de l’Afrique en particulier. Il s’agit de rompre avec la vision a-historique et ethnographique qui repose, entre autres, sur des présupposés hégéliens hérités du XIXème siècle. Cheikh Anta Diop opère une rupture épistémologique » radicale, d’une part avec l’approche africaniste de l’étude des sociétés et d’autre part avec le mouvement de la négritude qui naît entre les deux guerres mondiales. Les démarches de l’Ecole africaniste dans son ensemble postulent, en effet, une inégalité des aptitudes intellectuelles entre races » d’où découle, au sens biologique des termes, une hiérarchisation radicale. L’Ecole africaniste est ainsi conduite à appréhender les sociétés africaines à travers ce prisme anthropologique. Les initiateurs du Mouvement de la négritude furent eux-mêmes victimes, à des degrés différents, de cette vision occidentale du Nègre comme en témoigne le célèbre vers de Léopold Sédar Senghor l’émotion est nègre, la raison héllène », qui transpose l’infériorité intellectuelle supposé du Nègre en termes de complémentarité. Cheikh Anta Diop s’attache à récuser toute inégalité et hiérarchisations radicales, à insister constamment sur l’unité de l’espèce humaine, à démontrer l’outil méthodologique de l’Ecole africaine qu’est le mythe du Nègre prélogique ». Partant de l’idée que tout peuple a une histoire, Cheikh Anta Diop est conduit à introduire le temps historique et l’unité dans les études africaines, sortant ainsi l’Afrique de ce carcan a-historique et ethnographique dans lequel les africanistes traditionnels l’ont confinée. Grace à une méthodologie qui s’appuie sur les études diachroniques, le comparatisme critique, la pluridisciplinarité archéologie, linguistique, ethnonymie/toponymie, sociologie, sciences exactes, etc et une vision à la fois analytique et synthétique, il lui est possible de rendre aux faits historiques, sociologiques, linguistiques, culturels, etc du continent africain principalement, leur cohérence et leur intelligibilité. Cheikh Anta Diop adopte d’emblée cette approche pluridisciplinaire en étudiant l’Egypte ancienne dans son contexte négro-africain Partant de l’idée que l’Egypte ancienne fait partie de l’univers nègre, il fallait la vérifier dans tous les domaines possibles, radical ou anthropologique, linguistique, sociologique, philosophique, historique, etc. Si l’idée de départ est exacte, l’étude de chacun de ces différents domaines doit conduire à la sphère correspondante de l’univers nègre africain. L’ensemble de ces conclusions formera un faisceau de faits concordants qui éliminent les cas fortuit. C’est en cela que réside la preuve de notre hypothèse de départ. Une méthode différente n’aurait conduit qu’à une vérification partielle qui ne prouverait rien. Il fallait être exhaustif. » Cheikh Anta Diop, antériorité des civilisations nègres, mythe ou vérité historique ?. Et les études africaines ne sortiront du cercle vicieux où elles se meuvent, pour retrouver tout leur sens et toute leur fécondité, qu’en s’orientant vers la vallée du Nil. Réciproquement, l’égyptologie ne sortira de sa sclérose séculaire, de l’hermétisme des textes, que du jour où elle aura le courage de faire exploser la vanne qui l’isole, doctrinalement, de la source vivifiante que constitue, pour elle, le monde nègre. » Cheikh Anta Diop, antériorité des civilisations nègres, mythe ou vérité historique ?. Les directions de recherches tracées, exposées et défrichées par Cheikh Anta Diop sont nombreuses -L’origine africaine de la civilisation et le processus de différentiation raciale, -L’origine noire de la civilisation égypto-nubienne, le peuplement de la vallée du Nil, -L’origine égyptienne de l’écriture, des sciences, des arts, des lettres, de la philosophie, du droit dans la civilisation occidentale Grèce, -L’origine égyptienne des religions révélées, -L’identification des grands courants migratoires et la formation des ethnies africaines, -La parenté linguistique et culturelle entre l’Egypte et l’Afrique noire, -L’ancienneté et le développement de la métallurgie du fer en Afrique, -Les deux berceaux culturels septentrional et méridional étude du patriarcat et du matriarcat, -La formation et l’organisation des Etats africains après le déclin de l’Egypte, -L’Etat et la révolution de l’Antiquité à nos jours, -L’origine du monde sémitique, -L’origine des Berbères, -L’émergence de l’Espagne et du Portugal à l’aube des temps modernes, -Les relations avec le monde précolombien… Les nouveaux résultats de la recherche acquis en archéologie, en linguistique, en histoire, etc, confirment la pertinence et la fécondité de ces axes de travail. Une véritable renaissance africaine et une réconciliation de l’humanité avec elle-même En 1954, Cheikh Anta Diop publiait, aux éditions Présence africaine, son ouvrage pionnier Nations nègres et Culture, de l’Antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui. Ce sous-titre indique clairement la perspective dans laquelle se situe l’auteur. Si l’étude des sociétés humaines du passé est intéressante en elle-même, il ne s’agit pourtant pas de s’y complaire» mais de y puiser des leçons». Il s’agit d’accéder à l’intelligibilité du monde afin de vaincre les difficultés du présent et bâtir un avenir meilleur à partir d’une connaissance la plus objective possible du passé, du social, de l’économique et du réel. Cheikh Anta Diop exprime la nécessité vitale pour l’Afrique de recouvrer sa mémoire, de restituer son histoire, de découvrir les clés de la compréhension profonde des structures et de l’évolution des sociétés humaines en général et africaines en particulier, d’identifier la place du continent dans le mouvement historique de l’humanité. Il montre que c’est la seule issue salutaire pour restaurer en l’Afrique les conditions mêmes de la créativité, pour opérer un déverrouillage de l’esprit créateur », pour permettre de nouveau à l’Afrique de participer au progrès de la civilisation humaine et non d’en faire les frais, froidement écrasé par la roue de l’Histoire ». L’histoire est, avec la langue, la composante essentielle de la conscience historique des peuples. Comment savoir où l’on va si l’on ne sait pas d’où l’on vient ? L’étude approfondie du passé, des sociétés humaines répond à l’idéal humaniste que Cheikh Anta Diop prône. Il écrit en effet en 1967, dans Antériorité des Civilisations nègres-Mythe ou vérité historique ?, que … la plénitude culturelle ne peut que rendre un peuple plus apte à contribuer au progrès général de l’humanité et à se rapprocher des autres peuples en connaissance de cause » et il appelle de ses vœux l’avènement de l’ère qui verrait toutes les nations du monde se donner la main pour bâtir la civilisation planétaire au lieu de sombrer dans la barbarie », dans son livre Civilisation ou Barbarie. Pour Cheikh Anta Diop, la conscience moderne ne peut progresser réellement qui si elle est résolue à reconnaitre explicitement les erreurs d’interpellations scientifiques, même dans le domaine très délicat de l’Histoire, à revenir sur les falsifications, à dénoncer les frustrations de patrimoines. Elle s’illusionne, en voulant asseoir ses constructions morales sur la plus monstrueuse falsification dont l’humanité ait jamais été coupable tout en demandant aux victimes d’oublier pour mieux aller de l’avant ». Il précise que ses recherches historiques ne sont point un effort a priori de réhabilitation aux yeux des uns et des autres, ce qui eût été puéril ». Pour lui, seule la vérité est utile, seule la vérité est révolutionnaire, seule la vérité rapproche ». Il veut, par démarche scientifique, objective, restaurer la mémoire, la conscience historique de la communauté noire, du continent et de la Diaspora. La connaissance du passé constitue à la fois un rempart de sécurité d’une communauté contre un génocide culturel ou physique et elle est le socle solide sur lequel elle peut et doit s’appuyer pour choisir des institutions nouvelles, élaborer une véritable politique de développement culturel, économique, social, industriel, scientifique et technique. Ainsi, l’unité culturelle de l’Afrique noire fonde l’édification d’un Etat fédéral. La connaissance du passé débouche donc de façon dynamique, rationnelle, sur la gestion du présent et la construction du futur. l’Africain qui nous a compris est celui-là qui, après la lecture de nos ouvrages, qui aura senti naitre en lui un autre homme, animé d’une conscience historique, un vrai créateur, un Prométhée porteur d’une nouvelle civilisation et parfaitement conscient de ce que la terre doit à son génie ancestral dans tous les domaines de la science, de la culture et de la religion ». En 1962, il conclut ainsi sa communication au colloque d’Athènes organisé par l’UNESCO sur le thème Racisme, science et pseudo-science le climat, par la création de l’apparence physique des races, a tracé des frontières ethniques qui tombent sous le sens, frappent l’imagination et déterminent les comportements instinctifs qui ont fait tant mal dans l’histoire. Tous les peuples qui ont disparu dans l’histoire, de l’Antiquité à nos jours, ont été condamnés, non par une quelconque infériorité originelle, mais par leurs apparences physiques, leurs différences culturelles. C’est au niveau du phénotype, c’est-à -dire des apparences physiques, que la notion de race apparait dans l’histoire et les relations sociales peu importe qu’un Zoulou soit, au niveau de son stock génétique, plus proche de Vorster qu’un Suédois, dès l’instant qu’il a la peau noire. Donc, le problème et de rééduquer notre perception de l’être humain, pour qu’elle se détache de l’apparence raciale et se popularise sur l’humain débarrassé de toutes coordonnées ethniques.» Cf. Cheikh Anta Diop, L’unité d’origine de l’espèce humaine », in actes du colloque d’Athènes Racisme, science et pseudo-science. Dans la perspective de la renaissance culturelle du monde noir et de l’édification d’une civilisation planétaire dont le Noir sera l’un des bâtisseurs, CHEICK Anta Diop invite à la réécriture objective et salutaire de l’histoire de l’humanité, de l’histoire des sciences, de l’histoire de la philosophie, de celle des arts etc. l’Homme, son devenir, sont au centre de ses réflexions. Cherchant à dessiner les contours d’un avenir à partir d’une double lecture, celle du passé et celle des plus récents progrès de la science, il pose les prémisses d’une philosophie qui vise à réconcilier l’homme avec lui-même, en s’élevant au-dessus des contingences du moment historique auquel il appartient. Cf. Civilisation ou Barbarie. Son œuvre convie l’humanité à regarder en face son véritable passé, à assumer sa mémoire, afin de rompre avec les génocides, avec le racisme, pour sortir enfin de la barbarie et entrer définitivement dans la civilisation. Mariétou Diongue Cheick M’Backé Diop
CheikhAnta Diop Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx de Théophile Obenga Cheikh Anta Diop : l’homme et l’œuvre : aperçu par le texte et par l’image : les racines du futur de M’backé Diop Sur la problématique afrocentrique : Civilisation ou barbarie : anthropologie sans complaisance de Cheikh Anta Diop Deux livres d’un de ses plus proches disciples
1 août 2011 1 01 /08 /août /2011 0056 Le Colloque d’égyptologie scientifique dit Colloque du Caire », s’est déroulé en 1974 sous l’égide de l’UNESCO, comme son nom l’indique, au Caire, en Egypte. Son objectif était d’une part, de terminer la rédaction du premier ouvrage encyclopédique consacré à l’histoire de l’Afrique. D’autre part, il visait à statuer sur l’origine du peuplement de l’Egypte ancienne sans oublier de faire le point sur le déchiffrement de l’écriture Méroïtique. Menée par le professeur sénégalais Cheikh Anta Diop, la délégation africaine ne se composait que du professeur Théophile Obenga pour diverses raisons. Leur mission était de défendre scientifiquement l’origine négro-africaine du peuplement de l’Egypte. Face à eux, plus de 22 savants venus des quatre coins du monde. Parmi lesquels on peut citer . Jean Leclant France, Professeur au Collège de France, . H. de Contenson France, Chef de la Mission française d’archéologie en Ethiopie, . Jean Vercoutter France, université de Lille, . J. Desanges France, Chargé de conférence à l’université de Nantes, . P. Vérin France, Chercheur à Madagascar, . J. Yoyotte France, Directeur d’Etudes à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, . F. Anfray France, archéologue, . G. Mokhtar Egypte, ancien directeur du Service antiquité en Egypte, . A. Abu Bakr Egypte, Spécialiste égyptien de l’histoire ancienne de l’Egypte et de la Nubie, . S. Donanoni Italie, Professeur d’université à Rome, . K. Michalowski Pologne, Vice-directeur du musée national de Varsovie, . M. Posnansky Angleterre, Historien et archéologue, . A. Mahjoubi Tunisie, spécialiste de l’Afrique du nord, . J. E. G. Sutton Anglais, Président du Département d’archéologie de l’université d’Oxford, . P. Salama Algérie, chercheur, . B. H Warmington Angleterre, Spécialiste de l’Afrique du nord et de la Rome antique, . Tekle Tsadik Mekouria Ethiopie, historien, . Y. Kobishanov Russie, Membre de l’académie des sciences en Russie, . A. M. H. Sheriff Tanzanie, Maître de conférence à l’université de Dar es Salam, . P. Van Noten Belgique, Conservateur au Musée Royal de Préhistoire et d’Archéologie, . B. W. Andah Nigéria, archéologue, . N. M. Shérif Soudan, archéologue, etc... Les Actes de ce colloque, rapportés par le professeur Jean DEVISSE, sont publiés par l’UNESCO sous le titre "Le peuplement de l’Égypte ancienne et le déchiffrement de l’écriture méroïtique - Histoire générale de l’Afrique, Études et documents 1, Paris, UNESCO, 1978". Il existe aussi un rapport de synthèse en annexe du Volume II de l’Histoire générale de l’Afrique Paris, Jeune Afrique/Stock/UNESCO, 1980, pp. 795-823. COLLOQUE DU CAIRE On voit ici le professeur T. Obenga centre, le professeur S. Sauneron à sa droite et le professeur J. Leclan la main sur le menton Source Revue Ankh Lors de ce colloque, deux thèses se sont clairement affrontées 1- La première défend une progression première du nord vers le sud et un peuplement indo-européen de l’Egypte antique. Il n’en demeure pas moins que la culture de l’Egypte antique reste fondamentalement africaine. Cette thèse est résumée dans le rapport, par le passage ci-dessus "... la majorité des égyptologues VANDIER, 1952, p. 22 estime que la population primitive qui occupe la vallée du Nil égyptienne et nubienne, depuis le Prédynastique Badarien et Amratien ou Nagada I et jusqu’à la première dynastie, appartient à une race brune, "méditerranéenne" ou encore "euro-africaine", souvent improprement appelée "hamite", ou encore "khamite". Cette population serait leucoderme, donc blanche, même si sa pigmentation est foncée pouvant aller jusqu’au noir ; [...] Ce type [humain] serait donc d’origine africaine, sans être "nègre" au sens où on l’entend habituellement. Au demeurant même les égyptologues convaincus du caractère africain essentiel de la civilisation égyptienne insistent sur le fait que la population qui a créé cette civilisation n’était pas "nègre" NAVILLE, 1911, p. 199 ; BISSING, 1929 ; FRANKFORT, 1950].". CHEIKH ANTA DIOP AU COLLOQUE DU CAIRE Démonstration de la concordance de la conjugaison du verbe "kef" entre l’égyptien et le wolof 2- La deuxième thèsevise à démontrer l’origine négro-africaine de la civilisation égyptienne et est soutenue par les professeurs Diop et Obenga L’Egypte pharaonique, par l’ethnie de ses habitants, la langue de ceux-ci, appartient en totalité, des balbutiements néolithiques, à la fin des dynastie indigènes, au passé humain des Noirs de l’Afrique", souligne Obenga. Le professeur Diop rappelle que c’est l’influence de l’idéologie coloniale Je suspecte les Nègres et en général les autres espèces humaines d’être naturellement inférieurs à la race blanche. Il n’y a jamais eu de nation civilisée d’une autre couleur que la couleur blanche, ni d’individu illustre par ses actions ou par sa capacité de réflexion... Il n’y a chez eux ni engins manufacturés, ni art, ni science. Sans faire mention de nos colonies, il y a des Nègres esclaves dispersés à travers l’Europe, on n’a jamais découvert chez eux le moindre signe d’intelligence », David HUME, qui poussent les savants à échafauder des thèses se caractérisant par le non-sens un individu à peau noire et aux cheveux crépus ne peut être blanc. a Critiques méthodologiques des Actes du Colloque En toute objectivité, les Actes du colloque laissent, apparaître de sérieux vices dans leur conception. En effet, dans la rédaction de présentation des thèses en présence, 120 lignes sont consacrées à la thèse 1 et seulement 26 à la thèse 2 soutenant l’origine négro-africaine de l’Egypte. En introduction, Jean Devisse et Jean Vercoutter exprime largement leur thèse sur plusieurs pages alors que celle-ci a été battue en brèche par l’argumentation scientifique de Diop et d’Obenga et n’a finalement pas convaincu les spécialistes présents. Une attitude juste exige que le document commence par l’exposé de la thèse gagnante à savoir celle démontrant l’origine négro-africaine. Le rapporteur devrait être neutre et non pas prendre partie pour l’une ou l’autre des thèses. Cela fausse la rédaction, surtout lorsque celui-ci s’avise à rédiger son avis personnel » après avoir consacré 120 lignes à la 1ère thèse et seulement 26 à l’autre. Enfin, pourquoi avoir consacré en début de rédaction, autant de pages à la communication de Vercoutter démontrant en résumé, qu’en Afrique noire, les nègres ont toujours été minoritaires si c’est pour apprendre plus loin que les spécialistes présents ont reconnu que ces thèses, dans leur forme rigide et absolue, constituaient un pas en arrière d’une trentaine d’années et ne pouvaient conduire qu’à un coup d’épée dans l’eau ? Si ce n’est que pour influencer d’emblée le lecteur profane ? b Les données du colloque 1- La thèse de l’origine négro-africaine de l’Egypte antique Thèse gagnante du colloque Le professeur Cheikh Anta DIOP, rappelle que les découvertes du professeur LEAKEY démontre l’origine africaine de l’humanité. Cette humanité a pris naissance en Afrique, dans la zone des grands Lacs, induisant un premier peuplement humain de la Terre ethniquement homogène et forcément nègre ; en raison de la loi du professeur Gloger. Cela inscrit le peuplement de la vallée du Nil dans un mouvement progressif allant du sud vers le nord et qui s’est échelonné du Paléolithique supérieur à la Protohistoire. Ainsi, le fond de la population égyptienne prédynastique était nègre. Il présente alors les arguments prouvant l’origine nègre des anciens Égyptiens l’examen des peaux de momies " le professeur DIOP a étudié un ensemble de préparations faites en laboratoire. Il s’agissait d’échantillons de peau prélevés sur les momies provenant des fouilles de MARIETTE. Ils révélaient tous - et le professeur DIOP a soumis ces échantillons aux spécialistes participant au colloque - la présence d’un taux de mélanine considérable entre l’épiderme et le derme. Or la mélanine, absente des peaux des leucodermes peau blanche, se conserve, contrairement à ce qui est souvent affirmé, des millions d’années, comme l’ont révélé les peaux des animaux fossiles. Le professeur DIOP a souhaité pouvoir effectuer le même type de recherche sur les peaux des pharaons dont les momies sont conservées au Caire ce qui lui a été par la suite refusé." les mensurations ostéologiques et les groupes sanguins l’ostéologie fait des égyptiens des nègres Canon de Lepsius. Leur groupe sanguin générique est B comme ceux des noirs et à un moindre degrés O à l’instar des blancs qui sont A 2. l’iconographie représente partout des nègres tresses africaines en dégradées, posture, peau d’animaux sur le corps.... les témoignages des auteurs grecs et latins ceux des voyageurs tels que Hérodote, Diodore de Sicile, Plutarque, etc..., qui attestent tous que les Egyptiens anciens étaient des noirs... et aussi l’académicien français VOLNEY, ou encore celui légué lors de son dessin du SPHINX à l’époque en meilleur état par Vivant DENON, durant l’expédition d’Égypte dirigée par BONAPARTE "Je n’eus que le temps d’observer le Sphinx qui mérite d’être dessiné avec le soin le plus scrupuleux, et qui ne l’a jamais été de cette manière. Quoique ses proportions soient colossales, les contours qui en sont conservés sont aussi souples que purs l’expression de la tête est douce, gracieuse et tranquille ; le caractère en est africain mais la bouche, dont les lèvres sont épaisses, a une mollesse dans le mouvement et une finesse d’exécution vraiment admirable ; c’est de la chair et de la vie.", Vivant DENON, Voyage dans la Basse et la Haute Égypte pendant les campagnes du Général BONAPARTE, Paris, 1ere édition Didot l’Aîné, 1802 ; réédition, Pygmalion/Gérard Watelet, 1990, p. 109. Plus loin commentant l’art égyptien, il écrit "Quant au caractère de leur figure humaine, n’empruntant rien des autres nations, ils ont copié leur propre nature, qui était plus gracieuse que belle. ... en tout, le caractère africain, dont le Nègre est la charge, et peut-être le principe" op. cit., p. 168. les traditions biblique et coranique qui ont voulu que Kam, ou Cham soit l’ancêtre des noirs Kam ou Cham venant de l’égyptien KMT, Kamit, Kémit. Le professeur Diop rappelle que pour les écrivains grecs et latins contemporains des Egyptiens de l’antiquité, l’anthropologie physique de ceux-ci ne posait aucun problème les Egyptiens étaient des Nègres Lippus à cheveux crépus et aux jambes grêles Cf. Aristote, Lucien, Hérodote, Diodore de Sicile, Plutarque, Apollodore, Strabon, Eschille, Ammien Marcellin mais aussi, Champollion-Figeac, Volney, Amélineau, etc... ... Les Egyptiens n’avaient qu’un terme pour se désigner eux-mêmes KMT, littéralement, les Nègres. C’est le terme le plus fort qui existe en langue pharaonique pour indiquer la noirceur. Ce mot est l’origine étymologique de la fameuse racine Kamit » qui a proliféré dans la littérature moderne. La racine biblique Kam » ; en dériverait. Il a fallu donc faire subir aux faits une distorsion pour qu’il puisse signifier blanc ; dans la langue des savants ... Enfin noir ou nègre était l’épithète divine qui qualifie invariablement les principaux bienfaiteurs de l’Egypte ... Km-wr le grand Noir, surnom d’Osiris Athribis, Kmt déesse, la noire, Km est aussi appliqué à Hathor, Apis, Min et Thot, Set Kemet la femme noire, Isis. Le professeur Diop signale encore que ce hiéroglyphe KMT, n’est pas écrit avec des écailles de crocodiles mais avec un morceau de bois charbonneux. C’est en s’appelant eux-mêmes KMTJW » Kemtiou que les Egyptiens se distinguaient des autres peuples. En matière de parenté linguistique les mots égyptiens se révèlent être identiques en Wolof exemple Kef empoigner en égyptien = saisir en Wolof, feh » ; s’en aller en égyptien = s’en aller précipitamment en Wolof, etc.... Les coïncidences hasardeuses sur une liste de mots interminable, ne peuvent plus être le fait du hasard. Le professeur Obenga rappelle qu’il est acquis que pour relier deux ou plus de deux peuples culturellement, les preuves linguistiques sont les plus évidentes. A l’issue de sa longue démonstration scientifique et linguistique devant les spécialistes, il conclut que les rencontres morphologiques, lexicologiques et syntaxiques obtenues constituaient une preuve péremptoire de la parenté étroite de l’égyptien ancien et des langues négro-africaines d’aujourd’hui. De telles rencontres étaient impossibles entre le sémitique, le berbère et l’égyptien. Il ajoute qu’un substrat culturel homogène est nécessairement lié à un substrat ethnique homogène en d’autres termes, si l’on reconnaît que la civilisation égyptienne est fondamentalement africaine , sa population l’est forcément tout autant. Sur le même registre, le professeur Gordon-Jacquet, signale que les noms de lieu, c’est un phénomène bien connu, sont extrêmement vivaces et chacun des groupes linguistiques qui se succèdent dans une région y laisse sa marque sous la forme de toponymes, plus ou moins nombreux, suivant l’importance numérique de ce groupe et la durée de sa prédominance dans la région. Tout apport permanent important qui serait venu s’ajouter de l’extérieur à la population égyptienne se serait forcément reflété dans la toponymie du pays. Or ce n’est pas le cas. La toponymie égyptienne des extrêmement homogène elle se compose de noms dont l’étymologie peut, dans presque tous les cas, s’appliquer à la langue égyptienne elle-même Ceci réfute encore tout idée d’infiltration étrangère dans la population égyptienne antique et atteste bien qu’elle était homogène dans son aspect négro-africain. Aucun participant n’a explicitement déclaré qu’il soutenait l’ancienne thèse " d’un peuplement leucoderme à pigmentation foncée pouvant aller jusqu’au noir " dont le professeur Vercoutter avait rappelé l’existence dans la communication. Le consensus en faveur de l’abandon de cette thèse ancienne n’a été que tacite. Pour l’ensemble des participants, l’Egypte est essentiellement une civilisation africaine dans son écriture, dans sa culture dans son tempérament et dans sa façon de penser Vercoutter, Leclant.... Le professeur Leclant à noté que des traits paléoafricains importants méritaient d’être étudiés dans la vie culturelle de l’Egypte. Il a cité par exemple le babouin du dieu Thot et la constance dans l iconographie, des peaux de panthère ; comme vêtement rituel lors du culte rendu par Horus à Osiris. Le professeur Gordon Jacquet à montré que l’absence de mots d’emprunt prouve que les échanges entre l’Egypte et la Mésopotamie à l’époque prédynastique et au début de l’époque dynastique étaient quasi-nuls. Le professeur Holthoer abonde en sons sens et y fait une démonstration linguistique. Le professeur Vercoutter a finalement reconnu l’homogénéité des peuples africains vivant dans la vallée du Nil jusqu’aux limites sud du Delta. Le professeur Diop a rappelé que le professeur Petrie avait découvert à Abydos une image représentant les Anou et montré que les principales villes égyptiennes comportent dans leur rédaction l’insigne des Anou, le pilier ON ou IOU. Le professeur OBENGA poursuit la démonstration linguistique commencée par le professeur DIOP et montre à partir de toute une série de démonstrations comment il serait possible dans le futur de "dégager un "négro-égyptien" comparable à l’"indo-européen". Mme GORDON-JAQUET souligne l’intérêt d’une approche toponymique pour "étayer l’assertion suivant laquelle il ne s’est produit en Égypte aucune immigration ou invasion massive de populations étrangères depuis l’époque néolithique au moins". Le professeur Jean DEVISSE communique aux participants les résultats d’une enquête iconographique relative à trois manuscrits nouvelles acquisitions de la Bibliothèque nationale française témoignant de la représentation d’Égyptiens libres "sous les traits et la couleur de Noirs". 2- L’origine Indo-européenne de l’Egypte thèse perdante Le professeur LECLANT "a insisté sur le caractère africain de la civilisation égyptienne. Mais selon lui, il convenait de bien distinguer "race" et culture, comme l’avait fait le professeur VERCOUTTER. Il considère que "l’anthropologie physique, en Égypte, n’en est qu’à ses débuts" et "que le problème du peuplement de l’Égypte ancienne était considérable et ne pouvait être résolu, pour le moment, par une approche synthétique encore très prématurée". Pour le professeur GHALLAB, ce n’est qu’au "paléolithique tardif que la race noire s’est manifestée de l’Atlantique à la mer Rouge". "Une culture nègre n’est apparue vraiment qu’au néolithique". Le professeur ABDALLA considère pour sa part qu’il est "peu important de savoir si les Égyptiens étaient des noirs ou négroïdes le plus remarquable était le degré de civilisation auquel ils étaient parvenus. Il existait, a-t-il, dit des indices importants fournis par l’anthropologie physique concernant la présence de Noirs dans le peuplement ancien, mais il était abusif de généraliser et de dire que ce peuplement étaient entièrement noir ou négroïde". Il aborde ensuite le volet linguistique en indiquant qu’il n’a pas été convaincu par les démonstrations effectuées par le professeur DIOP "les similarités signalées étaient accidentelles [...] Les preuves fournies de parenté plaideraient bien plus en faveur de la dispersion de l’égyptien ancien en Afrique que de sa parenté avec les langues africaines actuelles". Pour lui, la langue égyptienne n’est pas une langue africaine directe ; elle appartenait à un groupe proto-sémitique, et de nombreux exemples pouvaient être cités à l’appui de cette définition". Le professeur SAUNERON intervient au cours d’un vif échange entre les professeurs ABDALLA et DIOP portant sur la traduction du terme égyptien KM Kemet, Kamit il confirme que ce terme désigne la couleur NOIRE, chose récusée initialement par le professeur ABDALLA. Le professeur DEBONO informe que ses recherches dans la montagne thébaine ont permis de prouver l’existence de l’homme le plus primitif. Il rappelle qu’un fragment de calotte crânienne découvert en 1962 au Gebel Silsileh nord de Kom-Ombo datant probablement du paléolithique moyen "constituait la plus ancienne trace humaine découverte en Égypte." Il précise que ce même site avait livré d’autres vestiges humains se rapportant respectivement au paléolithique supérieur et à l’épipaléolithique. Les restes humains relatifs à l’épipaléolithique attestent, selon le professeur AGUIRÉ qui les a étudiés, "la présence d’un cromagnoïde apparenté peut-être à la race de Mekta el Arbi en Afrique du Nord et Asselar." S’agissant enfin du néolithique et du prédynastique, les fouilles menées à El Omari dans le nord de l’Égypte, fournissent "de nombreux restes humains en bon état de conservation." Référence est faite à l’étude du professeur DERRY sur les différences raciales entre le nord et le sud aux époques concernées. "Contrairement à ceux du sud, les ossements d’El Omari s’apparentaient nettement à la prétendue race nouvelle des constructeurs de la pyramide. Elle montrait des affinités sans doute libyco-asiatiques. La civilisation méadienne, dont on a retrouvé les cimetières, l’un à Méadi et l’autre à Héliopolis, a prouvé, par les témoignages dégagés, l’existence d’une race assez semblable à celle d’El Omari." Dans le domaine de l’iconographie, il pense qu’il doit être possible de tirer des informations sur les contacts et les déplacements entre peuples à partir de comparaisons faites avec . les représentations iconographiques humaines figurines ou dessins sur les vases trouvées dans la région nord de l’Égypte Fayoum, Mérimdé, El Omari, en Haute-Égypte et en Nubie. . les nombreux dessins rupestres découverts en Haute-Égypte, en Nubie et dans d’autres régions de l’Afrique. S’agissant de l’aspect linguistique, il affirme l’utilité d’une reconstitution du langage préhistorique égyptien. Il aborde enfin la question du peuplement de la vallée du Nil par l’étude des industries lithiques leurs caractéristiques typologiques, leur répartition géographique. 3- CONCLUSION DU COLLOQUE Aux théories avancées, les professeurs DIOP et OBENGA ont taché de démontrer l’unité du peuplement de la vallée par des Noirs et les progrès de ce peuplement du sud au nord." Dans le domaine linguistique, le rapporteur écrit qu’un large accord s’est établi entre les participants". "Les éléments apportés par les professeurs DIOP et OBENGA ont été considérés comme très constructifs. ... Plus largement, le professeur SAUNERON a souligné l’intérêt de la méthode proposée par le professeur OBENGA après le professeur DIOP. L’Égypte étant placée au point de convergence d’influences extérieures, il est normal que des emprunts aient été faits à des langues étrangères ; mais il s’agit de quelques centaines de racines sémitiques par rapport à plusieurs milliers de mots. L’égyptien ne peut être isolé de son contexte africain et le sémitique ne rend pas compte de sa naissance ; il est donc légitime de lui trouver des parents ou des cousins en Afrique." S’agissant de la culture égyptienne "Le professeur VERCOUTTER a déclaré que, pour lui, l’Égypte était africaine dans son écriture, dans sa culture et dans sa manière de penser. Le professeur LECLANT a reconnu ce même caractère africain dans le tempérament et la manière de penser des Égyptiens. Ainsi, Les thèses défendues par les professeurs Diop et Obenga ont finalement été approuvées par tous les participants sauf un. En conclusion, le rapport officiel du Colloque stipule que "La très minutieuse préparation des communications des professeurs Cheikh Anta DIOP et OBENGA n’a pas eu, malgré les précisions contenues dans le document de travail préparatoire envoyé par l’UNESCO, une contrepartie toujours égale. Il s’en est suivi un véritable déséquilibre dans les discussions." souce africamaat
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